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La pierre et ses carriers

Les carriers antiques

Si l'archéologie a apporté un regard aiguisé sur les gestes et les techniques des carriers des temps anciens, et notamment ceux de l'Antiquité et du Haut- Moyen Âge, leur vie quotidienne nous est assez mal connue. Les auteurs anciens parlent de la carrière de pierre comme d'un lieu de pénitence pour les esclaves qu'on veut châtier, et la découverte d'entraves dans quelques sépultures antiques de Saintes invite forcément à des rapprochements – sans doute hasardeux – avec les nombreuses carrières de la capitale des Santons.
Par contre, l'exceptionnelle carrière antique de Thénac, datée du 1er tiers du 1er s. ap. J.-C., livre des informations capitales sur les conditions de vie dans la carrière.
Tout d'abord, la cabane d'un ouvrier carrier du 1er siècle. Construite en pierres sèches à la manière des abris de bergers des Causses (les bories), elle s'appuie en encorbellement sur la falaise d'un front de taille. Deux pièces y avaient été aménagées : une cuisine avec son foyer dans la cendre duquel gisaient une assiette et un couteau, et une chambre. L'homme y vivait seul, l'espace étant trop restreint pour y accueillir une famille. Mais il y vivait libre : pas de porte barricadée, pas d'anneau pris dans la paroi et pas d'entraves...
Et aussi la maison du forgeron installée dans cette même carrière, sur un sol déjà exploité. Maison aux murs de moellons sans mortier pour le rez-de-chaussée, murs en torchis pour l'étage, et toiture de chaume. Un auvent abritait les installations de forge au service des carriers. Le sol a révélé les objets du quotidien : vaisselle de cuisson et vaisselle de conservation ainsi qu'une épingle à cheveux trahissant la présence féminine. Bref, nous avons là, en Saintonge, la deuxième maison de carriers reconnue de la Gaule antique, après celle du Bois des Lens près de Nîmes (Bessac, 1996)....
La carrière antique se présente comme un lieu de travail et aussi comme un lieu de vie où se croisent les carriers, les forgerons, les rouliers, les puisatiers, etc.

maison forgeron

Maison du forgeron de la carrière de Thénac (restitution)

Bibliographie :
BESSAC J.-C, La pierre en Gaule Narbonnaise et les carrières du Bois des Lens (Nîmes) : Histoire, archéologie, ethnographie et techniques, Ann Arbor (Michigan), 1996 (Journal of Roman Archaeology, Suppl. 16)

GAILLARD J., L'exploitation antique de la pierre de taille dans le bassin de la Charente, Association des Publications Chauvinoises, 2011, p. 125-152.

Les carriers traditionnels des temps historiques

Le monde des carriers est un monde divers dont on connaît le mieux les composantes aux époques moderne et contemporaine. On distingue deux principaux types de structures :

  • Les exploitations familiales, les plus nombreuses, où travaillent le plus souvent le père, un ou deux de ses enfants et parfois un ouvrier. Ils ont un pied dehors et un pied dedans, le travail de la terre occupant la belle saison. Les statistiques industrielles renoncent à les comptabiliser, les jugeant, selon l'enquête préfectorale pour la Charente Inférieure de 1864 « incalculables » !...
  • Et les salariés des carrières dont nous trouvons la trace en Haute-Saintonge dans les carrières de Bellevue, du Ramet, et plus largement en Saintonge, à Crazannes, St-Savinien, Saint-Vaize, ainsi qu'en Angoumois. Ceux-ci s'expriment volontiers sur le monde du dessus, se sentant protégés dans la pénombre de leurs chantiers souterrains. Nous en trouvons les formules-chocs, les revendications sociales et politiques, mais aussi les caricatures, l'humour et souvent les naïvetés sur les parois blanches et lisses des fronts de taille... Avec la guerre de 14 qui a privé la pierre de sa main-d'œuvre masculine, et la rude concurrence du parpaing de ciment, un grand nombre de ces ouvriers-carriers sont revenus à la terre d'où ils étaient issus, ou bien ont rejoint les équipes de construction des voies ferrées.

La population des carriers montre une évolution commune à l'ensemble des grands bassins carriers de la Saintonge : une montée en puissance aux XVII-XVIIIèmes siècles dans l'État-Civil, un pic vers 1870-1890 et une chute brutale au moment de la 1ère guerre mondiale.

Pop Pons Jonzac

Bibliographie :
GAILLARD J., Les carriers traditionnels du Val de Charente, Association des Publications Chauvinoises, 2004, p. 16-30.

GAILLARD J., « La pierre accompagne l'évolution économique du XIXe siècle » dans : J. Gaillard (dir.) , L'exploitation traditionnelle de la pierre des Charentes, Le Croît Vif, 2017, p. 265-303.

Images et paroles de carriers :

Auteur de la fiche : Jacques Gaillard