

Le principe de l'extraction d'un bloc de pierre de taille peut se résumer à deux étapes principales :
Néanmoins, cet outillage n'a pas été immuable au cours des siècles. Les techniques d'extraction ont épousé l'évolution de la technologie industrielle et notamment celle de la sidérurgie.
Le pic est l'outil-roi du carrier : il le porte fièrement à son épaule (comme Eugène Bouchet à la carrière de Bellevue à Jonzac) et le dessine souvent, au crayon de graphite ou à l'ocre rouge, sur les murs blancs des fronts de taille.
Cet outil a évolué au cours du temps et ses traces sont des documents précieux d'information pour dater la période d'exploitation d'une carrière :
L'une des étapes qui exige vigueur et dextérité est la réalisation de l'enfiche, cette saignée horizontale faite en ciel de carrière avec le pic. Le graffiti du carrier de Jonzac, à la carrière d'Heurtebize, grimpé sur son échafaudage, le cou tordu sous la voûte, donne à imaginer, dans sa naïveté, la pénibilité de la tâche.
Dans les années 1920, le travail d'enfiche se fit au moyen d'un nouvel outil, au maniement moins pénible et plus efficace : la barre d'enfiche. Cet outil en forme de barre à mine était suspendu en son milieu en ciel de carrière par un filin et le carrier lui impulsait un mouvement de balancier. Par un coup de poignet de rotation de la barre au retour, la chapelure (déchets de taille) était évacuée.
Peintre du mouvement, Gaston Cantin saisit l'effort des tâcherons des carrières des Lourdines en Poitou, ployés sur leur lance, dans la lumière des lampes.
Le scion est une longue scie de 2 mètres ou plus, maniée par un seul artisan, au contraire du passe-partout, outil de débitage qui se manie à deux. Le scion est né des laminoirs de la révolution industrielle : c'est donc un outil contemporain. Le scion de débitage, à large front, est actif lorsqu'on le tire vers soi. Il sert surtout à découper des blocs de grand appareil en blocs plus petits. D'autres scions ont un front plus étroit : ce sont des scions d'extraction qui ont remplacé les pics pour la réalisation des chambrures (tranchées de havage verticales pratiquées dans un front de taille). Leur emploi a commencé en Haute-Saintonge vers 1860.
Les coins de fer sont d'un emploi très courant depuis l'Antiquité pour déprendre les blocs préalablement dégagés sur leur pourtour par les tranchées de havage. Il suffit alors de réaliser de place en place sous les blocs des logements pour insérer les coins – ce sont les emboîtures – et de les battre avec une masse jusqu'à l'éclatement.
Le bloc n'a pas été dépris de son substrat et l'on distingue à l'avant (en bas de l'image) la trace au sol des emboîtures du bloc précédent qui a été enlevé.
Ouvrir une fenêtre (ou clé) est l'acte qui enclenche un nouvelle série d'extraction de blocs de grand appareil à partir d'un front de taille existant. Par la suite, le carrier pourra scier l'arrière des blocs suivants en se glissant dans la clé. À la Pierrière de Lussac, la tentative d'ouverture a échoué à cause de l'existence de fissures verticales (les fils) qui rendent la pierre inutilisable. Ce ratage permet d'observer les données techniques de l'opération :
Les traces laissées sur les fronts de taille permettent de comprendre les techniques employées. Elles témoignent du savoir-faire de ces hommes qui entretenaient avec la pierre une relation sensorielle, sachant l'écouter et la faire sonner pour en apprécier les qualités mécaniques et en percevoir les défauts.
Lire un front de taille est un exercice révélateur des techniques employées et de la période d'exploitation. On peut y observer :
1. son pilier puissant dont la taille est imposée de façon stricte par l'administration des mines, suite à des accidents répétés à St-Même et à Thénac, pour éviter les risques d'effondrement,
2. les modules des blocs extraits bien visibles grâce aux taches de suie des lampes (n° 3),
4. les sillons courbes en ciel de carrière, provenant de l'utilisation d'un pic et non d'une barre et qui indique une période d'exploitation antérieure de quelques décennies par rapport au chantier précédent.
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