Menu

Thénac

thenac

Thénac, Les Mauds
Département : Charente-Maritime
Commune : Thénac
Lieu-dit : Les Mauds
Lat/long/alt : 45°40' N / 0°40' O / 46 m

Propriétaires : privés
Protection : Nombreuses entrées obstruées
Période d'exploitation : De l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui
Procédures d'extraction : L'extraction traditionnelle s'est faite jusqu'en 1960, à ciel ouvert, puis en galeries souterraines., Les bancs profonds de "pierre bleue", la plus dense et la plus fine, exploitée à partir des années 1890. Les blocs étaient alors sortis verticalement par des puits d'extraction au sommet desquels on intallait des treuils. La remarquable continuité de l'exploitation de la pierre de Thénac permet de suivre l'évolution de l'outillage où l'on passe de l'"escoude" antique au pic à tranchant droit, puis à la scie et à la barre d'enfiche, et pour finir, à la haveuse des carrières contemporaines. On peut observer aussi l'évolution de l'éclairage allant de la lampe à huile à la lampe à acétylène (dite à carbure) en passant par la lampe à pétrole.


Géologie : L'affleurement du Crétacé supérieur, étage du Turonien moyen, donne un calcaire blanc crème à grain fin, de belle qualité, propre à la pierre de taille de grand appareil, idéale pour la sculpture et à l'architecture. Les bancs sont massifs et peu fissurés, allant de haut en bas de "la pierre de dessus" à "la pierre bleue" en passant par "la pierre douce", "la pierre fine" et "la belle roche". Un banc de calcaire induré - la nouasse - impropre à la construction, a été systématiquement dédoublé pour être utilisé de champ en clôtures de jardin. La masse volumique va de 1,7 à 1,9 t / m3.

Description :
Les carrières exploitent un affleurement linéaire de la bordure méridionale du synclinal de Saintonge. Fouillées à l'Île Sèche, elles révèlent des fronts de taille antiques du Haut-Empire (25-50 ap. J.-C.), puis elles s'ouvrent en un ruban de près d'un kilomètre à l'arrière du village des Mauds, lequel doit probablement son nom - Chez les Maux – à la reconquête de l'espace agricole et minier de la fin de la Guerre de Cent Ans. Les chantiers étaient aux mains de petites entreprises familiales qui avaient un pied dehors pour travailler la terre, et un pied dedans, en hiver et aux mortes saisons pour tirer la pierre.

Certaines familles élargissaient leur champ d'activité en ouvrant cafés et auberges, offrant le gîte et le couvert aux ouvriers de la pierre, rouliers ou tâcherons. L'État-civil montre la stabilité des "dynasties familiales" de carriers qui se marient entre elles. Du fait de la rude concurrence des carrières du bord de Charente qui bénéficiaient du commerce fluvial, les carriers de Thénac se tournaient plutôt du côté de la Gironde. Dans l'Antiquité l'agglomération de Barzan a fait appel à la pierre de Thénac, et la reconstruction de Royan après 1945 a vu les carriers fournir de la pierre aux dimensions du parpaing pour tenter de faire face à la domination du ciment. En 1890, la construction du tramway à vapeur entre Saintes et Mortagne, avec un embranchement pour les carrières de Tesson et Thénac, stimula le commerce de la pierre de construction jusqu'à la guerre de 14-18.

Le transport par charrette demeura néanmoins longtemps majoritaire jusqu'à l'avènement des camions, notamment ceux laissés par l'armée américaine après la deuxième guerre mondiale. Ainsi est-il décrit dans Nos Deux-Charentes par le roulier Méchain, qui exerça ainsi son métier de 1939 à 1946: "Chaque charroi était limité à quelques blocs de pierre d'un cubage maximum de trois mètres cubes ou de 81 pieds, cette mesure ancienne étant la plus fréquemment utilisée dans les comptes de roulier. Le chargement des blocs se faisait par l'arrière de la charrette, celle-ci étant basculée à terre, cheval dételé. Au moyen de leviers, de câbles et de rouleaux cylindriques, les blocs étaient amenés peu à peu entre les roues, au-dessus de l'essieu. Ensuite, pour sortir de la carrière des Mauds (commune de Thénac), il fallait atteler trois autres chevaux ou quatre bœufs supplémentaires. La pente était alors montée mètre après mètre, les roues étant calées à chaque arrêt. Destinés pour la plupart à la confection de caveaux mortuaires, ces blocs de pierre étaient acheminés jusqu'aux cimetières de Royan, Saujon ou Saintes. L'équipage faisait route à raison de quatre kilomètres à l'heure. Une livraison par jour, avec retour à la carrière le soir même. Une écurie, construite à l'entrée des chantiers, abritait les chevaux pour la nuit."

Archives :
Fonds ancien de la bibliothèque municipale de Saintes : Fonds Eschassériaux
Archives départementales de la série S
Archives municipales de Thénac : dossier "Carrières" – dossier "Tramway"
Archives privées de la famille Loubat

Bibliographie :
GAILLARD (J.), LAURANCEAU (N.) et LEBLANC (J.-C.), « La carrière de l’Île Sèche à Thénac en Charente-Maritime », dans Aquitania, t. 20, 2004, p. 259-282.
GAILLARD (J .), Les derniers carriers traditionnels du val de Charente, Association des publications chauvinoises, Mémoire XXV, Chauvigny, 2004, 102 p.
GAILLARD (J.), « Le carrier et le forgeron – La carrière de l’Île Sèche à Thénac (Charente-Maritime), dans Patrimoine et cadre de vie, cahier de la ligue urbaine et rurale n° 163, Paris, 2004, p. 14.
GAILLARD (J.), « Découverte d’un nouvel habitat du 1er siècle ap. J.-C. à la carrière de l’Île Sèche à Thénac (Charente-Maritime) », Aquitania, 2005, XXI, p. 123-132.
GAILLARD (J.), « Découverte d’un nouvel habitat du 1er siècle ap. J.-C. à la carrière de l’Île Sèche à Thénac (Charente-Maritime) », Aquitania, 2005, XXI, p. 123-132.
GAILLARD (J.), L’exploitation antique de la pierre dans le bassin de la Charente, Thèse de doctorat, Université de La Rochelle, Association des publications chauvinoises, Chauvigny, 20011, 369 p.
GAILLARD (J.), «La grande aventure de l'exploitation antique» dans : GAILLARD (J.) (dir.), A. FLORIANT, J.-P. GAILLARD, Ch. MOREAU, G. ROUGÉ et M. SEGUIN, L'exploitation traditionnelle de la pierre des Charentes, Le Croît Vif, 2017, p. 47-91.
JOURNAL « Nos Deux-Charentes en cartes postales anciennes : métiers disparus ». Artisanat rural, N° 43, 1988, p. 33.

thenac2

Le trou de "pierre bleue" de l'exploitation Loubat en 1930

thenac3

Schéma d'un treuil à sortir les blocs de "pierre bleue"

thenac4

Mur en pierre sèche d'une cabane de carrier antique du 1er siècle ap. J.-C.

thenac5

Sculptures en bas-relief exécutées par un carrier au 18e siècle

Auteur de la fiche : Jacques Gaillard